J’avais senti qu’il était nerveux. Sur mes genoux, mon matou peinait à rester en place en attendant le jugement. Il geignait, se trémoussait. Trop de bruits, trop d’odeurs, trop de mouvement. Des femelles en chaleurs qui courbaient leurs queues en levant leurs fesses et des mâles grognants toutes hormones dehors. Ce qui a provoqué le sursaut? Peut-être un grincement du micro, un tremblement de ma part ou un autre animal, passé trop près de nous. Allez savoir…
BOUM. La panique. De toutes ses forces, mon chat pousse sur ses pattes, arc-bouté contre moi, griffes à-demi sorties, pour s’échapper. J’ai deux options: le lâcher, sauvant mes mimines mais sans garantie aucune de retrouver mon doudou dans cette salle noire de monde aux portes mal fermées. Ou le retenir, jouer la force, au prix de quelques griffures et morsures. En toute honnêteté, je ne considère même pas vraiment le premier choix. Je plonge façon rugby. Les poils volent, il hurle en se roulant, pédalant et montrant les dents. Avec de l’aide, je le rattrape une première fois sans dommages collatéraux. La seconde, ma main droite y passe. Je tiens bon; le fauve en furie est maîtrisé et retrouve en quelques minutes son calme. Moi, j’ai du sang jusqu’au coude et le coeur qui bat dans mes extrémités. Les organisateurs du show m’aident: de longues minutes sous l’eau froide, puis un épais pansement alcoolisé. Par chance, une amie vétérinaire est là aussi, et me guide: trois tonnes de bétadine, des anti-inflammatoires, des antibiotiques… et un rendez-vous chez le médecin.
Les urgences, vraiment? Je proteste: l’hémorragie est maîtrisée, la douleur raisonnable et tout a été désinfecté. Mais les éleveuses qui ont connu la même mésaventure me l’assurent: je ne peux pas rester sans une prescription adéquate.
Je ne parviens pas à faire venir SOS Médecins, mais mon généraliste veut bien me recevoir le lendemain à la première heure. En me couchant, le soir même, je commence à comprendre pourquoi les copines m’ont tant encouragée à me faire soigner. Mon membre a doublé de volume, mes doigts prennent la forme et la couleur des saucisses de Francfort et l’idée même de me coucher sur mon bras me met les larmes aux yeux.
Le docteur me confirme ce que m’avait expliqué mon amie véto: les morsures de chats, si petites soient-elles, sont dangereuses. Parce que la bouche d’un chat, même parfaitement vacciné et bénéficiant d’une excellente hygiène, est un nid à bactéries. Je m’en sortirai avec deux jours d’ITT, un énorme pansement, de l’augmentin et des anti-inflammatoires. Six mois plus tard, il reste quelques minuscules cicatrices rondes, là où les dents m’ont plantée.
De cette mésaventure, je tire trois leçons.
- Mordue par un chat, je n’hésiterai plus et foncerai chez le médecin. Depuis mon accident, j’ai lu et entendu plusieurs témoignages de propriétaires blessés par leur chat et qui ont tardé à se faire soigner. Tous l’ont chèrement payé : douleurs, opérations, semaines sans pouvoir travailler…
- Exposer un mâle non stérilisé peut être très compliqué. Je connaissais la théorie et je me serais bien passée de la pratique. Excité par ses hormones, il est plus réceptif au stress. Et, à cause de son gabarit, moins facile à maîtriser qu’un chaton de deux kilos.
- Une bonne astuce pour que personne ne remarque les cicatrices de l’accident ? Faites comme moi: ouvrez-vous un doigt sur deux bons centimètres avec un couteau à pain en préparant un sandwich. La blessure laissera une belle ligne blanche façon blessée de guerre, et éclipsera aisément les quelques malheureux points rouges, qui ne rappelleront qu’à vous seul(e) ce jour où votre main aurait pu jouer dans Le Retour de la Momie.